quelques critiques : le diatessaron (1)

Un mail d'Ulrich Schmid contre l'utilisation par Boismard de l'harmonie Pepys.

Présentation des arguments

Ulrich Schmid prétend que les compétences historiques manquent à Boismard pour analyser correctement les harmonies médiévales. En particulier, Boismard semble ne pas connaître les nombreuses harmonies évangéliques médiévales et leurs commentaires, parmi lesquelles l'harmonie Pepys s'inscrit sans solution de continuité.

Ulrich Schmid a comparé les synopsis de différentes harmonies médiévales avec le codex de Fulda et le Diatessaron arabe. Il ne trouve pas de concordances uniques entre Pepys et Arabe. L'harmonie Pepys est plus proche selon lui de l'harmonie de Clément de Llanthony, qui date de la fin du XIIe siècle. Clément de Llanthony semble avoir été l'initiateur de l'engouement médiéval pour les harmonies évangéliques. son travail semble original, et ne dépendrait pas d'autres harmonies antérieures.

Commentaire

Nous ne pouvons nous faire juge des compétences de Boismard dans le domaine des harmonies médiévales. Tenons nous en au fond : la critique d'Ulrich Schmid est très intéressante, mais elle mériterait d'être autrement développée pour atteindre la portée qu'il voudrait lui donner. Les documents allégués par Ulrich Schmid pourraient aussi bien conforter la position de Boismard.

En effet, s'il y a comme le prétend Ulrich Schmid une similitude flagrante entre les deux harmonies, impliquant une dépendance forte de Pepys et Llanthony, alors le raisonnement que Boismard applique à Pepys peut s'appliquer de même, tale quale, à l'harmonie de Llanthony, faisant de celle-ci un autre témoin de l'harmonie P décrite par Boismard.

De fait, contrairement à ce qu'Ulrich Schmid pourrait laisser croire dans son mail, le raisonnement de Boismard ne s'appuie pas en premier lieu sur une concordance Pepys-Arabe contre l'ensemble des autres harmonies médiévales. Lorsqu'Ulrich Schmid écrit : "Boismard (pp. 51-53) argues for unique agreement between the Arabic Diatessaron and PGH in inserting Mk 1:13b between Mt 4:1c and Mt 4:2a", il néglige de considérer les deux termes du raisonnement de Boismard : pour ce dernier, il y a d'abord de nombreuses concordances entre certaines harmonies médiévales et le diatessaron arabe. Ces concordances, qu'Ulrich Schmid ne réfute pas, seraient la preuve que le diatessaron oriental (type Arabe) a eu une postérité en occident parallèle à celle, bien connue, du diatessaron occidental (type Fulda).

C'est dans la seconde étape du raisonnement que l'on va considérer les accords privilégiés entre Pepys et Arabe. Ces concordances uniques font de Pepys un témoin unique de l'harmonie d'origine : remettre en cause la position privilégiée de Pepys, comme le fait Ulrich Schmid, ne revient donc qu'à mettre l'harmonie de Llanthony en concurrence avec celle de Pepys pour le statut de meilleur témoin de l'harmonie d'origine.

En d'autres termes, Boismard observe un ensemble d'harmonies médiévales qui portent des concordances avec le diatessaron arabe contre l'harmonie de Fulda. L'harmonie Pepys est mise en avant non pas parce qu'elle est la seule à porter ces concordances, mais parce qu'elle en porte beaucoup qu'aucune autre ne porte. Elle serait donc, parmi les témoins de l'harmonie primitive, le moins corrompu. Croisée avec les travaux de Boismard, l'observation d'Ulrich Schmid rapprochant l'harmonie de Llanthony de Pepys suggère au premier abord que Llanthony pourrait être un autre témoin privilégié de cette harmonie déjà connue de Justin.

Cette conclusion serait naturellement remise en cause si Ulrich Schmid était en mesure de prouver que l'harmonie de Llanthony est indépendante de toute harmonie antérieure. Il prétend certes que tel est le cas, mais il présente en toute honnêteté cette affirmation comme une impression personnelle ("there seems to be no evidence, that Clement built on the work of other harmonists"). Tant que cette affirmation n'est pas plus solidement établie, Llanthony pourrait aussi bien constituer un maillon entre l'harmonie connue de Justin et Pepys; les conclusions présentées par Boismard restent valides.

Conclusion

Pour le moment, non seulement l'observation d'Ulrich Schmid ne semble pas s'opposer aux arguments déployés par Boismard dans son analyse de l'harmonie Pepys, mais elle pourrait même révéler un nouveau témoin de l'harmonie P décrite par Boismard.




Le mail d'Ulrich Schmid

Just in case somebodey is interested in the *value* of Boismard's
analysis of the Pepysian Harmony. Generally, I must say, Boismard's
assessment of the medieval sources (PGH, Liege, Fuldensis, Peter
Comestor) suffers from a profound lack of knowledge of contemporary
*medieval* writings and history. In particular Boismard seems to be
unaware of the many unpublished Latin Gospel Harmonies (and Harmony
Commentaries) from the 12-14th centuries and the related discussions
on the chronology of the Life of Christ. Had he dived into that, he
would have realized, that virtually all of his supposed unique
agreements between the Arabic Diatessaron and the PGH are found
in those unpublished texts as well, but generally more closely
and more consistently.

I compiled a detailed synopsis of Codex Fuldensis, the "Munich
Harmony" (published by H.J. Vogels, Beiträge zur Geschichte des
Diatessaron im Abendland, Münster 1919), Peter Comestor's Historia
Evangelica (PL 198, 1538-1644), Clement of Llanthony's Concordia
Quatuor Evangelistarum (unpublished), Berlin, Staatsbibliothek theol.
fol. 7 (unpublished), Hermannus Zoest's Ewangelium ex quatuor unum
(unpublished). Moreover, for the sake of testing I included the
Arabic Harmony (using an unpublished word by word analysis made
by Prof Tjitze Baarda) and the Pepysian Gospel Harmony for a passage
that is running from the first calling of the desciples (Jn 1:41-51)
till the end of the mission of the twelve (Mk 6:12-13), excluding the
detailed analysis of the sermon on the mount/ sermon on the plain
complexion.

The result is:
1. There are no unique agreements between the Arabic Diatessaron
and the PGH.
2. There is almost complete agreement between PGH and Clement of
Llanthony's Harmony!!!

The agreements are found on the level of chronology, sequence of
incidents, and even small verse by verse orders. Just to give you
an impression on the latter: Boismard (pp. 51-53) argues for unique
agreement between the Arabic Diatessaron and PGH in inserting Mk 1:13b
between Mt 4:1c and Mt 4:2a. The same insertion is found in Clement of
Llanthony as well (plus numerous others, of course).

To sum up: As far as I can see, everything is in perfect harmony
with the historical data. Clement of Llanthony flourished in the
second half of the 12th cent. in England. He is said to have
influenced the first vernacular Bible translation in England,
made in the last quarter of the 14th cent. (the Lollard-Bible,
or Wyclif-Bible). The PGH belongs to the beginning of the 15th
cent. (around 1400), thus to the same period of vernacular
English Bible translations drawn from English sources!

So far, I studied only one manuscript of Clement of Llanthony's
work (British Museum, Royal 3A.x), but there seems to be no
evidence, that Clement built on the work of other harmonists.
Quite to the contrary: He seemed to have tackled the harmonistic
enterprise anew.

I would love to be in a position to offer two projects for doctoral
research. One is devoted to edit Clement of Llanthony's Harmony, the
other to study the relation between Clement of Llanthony and the
first vernacular English Gospel translations (Lollard-Bible, PGH).
The work should be carried out by students of medieval history/philology
with a good knowledge of Latin, English history, and Liturgy.
Unfortunately, I can't offer any funding as yet.

Ulrich Schmid

 
     
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