quelques critiques : la parabole du semeur

Dans son message Larry Swain conteste la dépendance entre Pepys et Justin, défendues par Boismard. Sa position nous semble peu convaincante.

Présentation des arguments de Larry Swain

Justin et les synoptiques

Larry Swain commence par comparer la parabole de la semence chez Justin avec celle données par les synoptiques. La version de Justin semble un moyen terme entre les diverses versions synoptiques. Les points communs et différences entre Justin et les synoptiques sont :

  1. Justin est plus court que les synoptiques
  2. Justin omet de dire, pour chaque semence, ce qui lui arrive après qu'elle est tombée
  3. Le style de Justin est meilleur
  4. Pour chaque phrase, Justin semble s'être aligné sur l'un des trois synoptiques

De cela, Larry Swain revient à la conclusion classique : Justin s'appuie sur une harmonie qui fusionne les trois synoptiques. Si des matériaux manquent chez Justin, c'est uniquement parce que la rhétorique de son texte le réclame : dans le dialogue avec Tryphon, il est en plein débat, la semence est en train de germer, et nul ne sait si elle portera du fruit, c'est à dire si le juif sera gagné par ses arguments.

Pepys et les synoptiques

Dans un deuxième temps, Larry Swain souligne les points communs entre Pepys et les synoptiques, contre un accord Pepys-Justin. Ces points communs sont particulièrement sensibles dans le début de la parabole, dont le contexte est le même chez les synoptiques et chez Pepys. Ainsi, les points communs entre Justin et Pepys seraient minimes, et se réduiraient en fait à l'omission de ce qui arrive à la semence après qu'elle a germé. Cette concordance entre Pepys et Justin serait accidentelle, et due à des causes indépendantes : Justin a ses raisons rhétoriques pour oublier la fin de la parabole. Pepys de son côté a la mauvaise habitude d'abréger des paraboles (comme on peut le voir avec sa version compressée de la parabole de la graine de moutarde)

Pepys et les autres témoins

Pour finir, Larry Swain aborde le commentaire du Diatessaron de Saint-Ephrem. Ce dernier présente une version de la parabole du semeur proche de celle de Justin (et de Pepys). Selon Larry Swain, cette forme courte n'est pas étonnante, puisque Ephrem commente le Diatessaron, qui s'inspire de l'harmonie de Justin.

Critique de la position de Larry Swain

Ce dernier argument utilisé par Larry Swain est en contradiction avec le reste de sa réfutation. En effet, si la forme courte de la parabole de la semence remonte à l'activité rhétorique de Justin dans le dialogue de Tryphon, elle ne se trouvait pas en même temps dans l'harmonie primitive. Les deux explications sont antagonistes, sauf à supposer que l'harmonie primitive a été composé à partir des citations des évangiles trouvés dans l'œuvre de Justin, ce qui semble assez difficile.

Par contre, l'argument rhétorique permet d'expliquer que Justin diffère de Pepys et des synoptiques dans son introduction de la parabole : Justin insère la parabole dans son discours. Dans l'harmonie utilisé par Justin, il n'y a aucune raison pour que l'introduction ait été différente de celle qu'on trouve dans les synoptiques.

Par ailleurs, Larry Swain minore fortement les points d'accord entre Pepys et Justin. Ainsi, la forme tronquée de la parabole ne concerne pas seulement ce qui arrive à la semence, mais aussi, au tout début la circonstancielle de temps : "et tandis qu'il semait" qui est présente dans les trois synoptique, absente chez Justin comme dans Pepys.

Mais surtout, c'est l'utilisation même des prépositions qui est commune à Pepys et Justin : le upon/in de Pepys décalque avec une belle exactitude le EIS/EPI de Justin. Ce parallélisme étonnant ne s'explique que par un enchaînement de traductions très littérales entre la parabole d'origine et celle trouvée dans Pepys.

Conclusion

Dans son analyse de la parabole de la semence, Boismard observe plusieurs ressemblances entre Pepys et divers témoins patristiques reliés au diatessaron. Il en déduit une dépendance forte. Larry Swain refuse cette dépendance. Parce que les deux explications qu'il propose pour expliquer ces points communs sont contradictoires, parce que d'autre part les points communs qu'il prend en compte sont très en deçà de ce que l'on observe effectivement sur le texte, l'objection présentée par Larry Swain nous semble sans réelle portée contre l'observation faite par Marie-Emile Boismard.


 
     
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