"L'Évangile de l'Enfance (Lc 1-2) selon le proto-Luc"

Après "le diatessaron, de Tatien à Justin", qu'il avait écrit en collaboration avec A. Lamouille, Boismard fournit avec "L'Évangile de l'Enfance (Luc 1-2) selon le proto-Luc" une confirmation en même temps qu'une illustrations des conclusions développées dans le livre précédent.

L'objet principal de ce nouvel ouvrage consiste en une reconstitution d'un stade antérieur de la rédaction de l'évangile de Luc en s'appuyant sur une harmonie évangélique anglaise de la fin du moyen-âge. Une harmonie évangélique est une combinaison des différentes traditions sur Jésus en un seul récit qui prétend gommer -donc harmoniser- les divergences que le lecteur peut trouver entre les quatre évangiles. L'harmonie dont il est question ici est celle de Pepys. Elle date de la fin du moyen âge. Elle est probablement une traduction anglaise d'une traduction française d'un texte latin.

Comme le reconnaît Boismard dans son introduction, il peut sembler fantaisiste d'aller chercher dans un tel document la matière permettant de reconstituer un stade de l'évangile de Luc antérieur à celui que nous connaissons. Qui pourrait croire qu'on peut reconstituer un document du Ier ou du IIe siècle de notre ère à partir d'un douteux pot pourri du XIVe ou du XVe siècle ?

Dans un premier temps, pour rassurer son lecteur, Boismard montre que ses sources ne se réduisent pas à cet unique document, mais qu'il s'appuie en réalité sur un grand nombre de textes : des harmonies médiévales d'origines géographiques variées ainsi que des sources patristiques qui toutes présentent à des concentrations diverses la trace des leçcons propres à l'harmonie Pepys.

C'est une véritable tradition parallèle qui se dévoile ainsi, tradition qui fleurit à la fin du moyen âge, mais attestée déjà au haut moyen âge dans un poème germanique, auparavant dans deux homélies du pseudo-Chrysostome, chez les auteurs syriens Ephrem et Aphraate, et en remontant, jusqu'à Justin Martyr, l'apologiste chrétien du IIème siècle.

S'appuyant sur ces sources, le raisonnement de Boismard peut se déployer en deux temps : après avoir montré d'abord la consistance de cette tradition, s'appuyant sur quelques exemples -et on signalera pour cela la parenté indubitable de la parabole du semeur chez Justin avec la version citée par l'harmonie Pepys- Boismard montre ensuite que cette tradition ne peut se comprendre que si l'on admet qu'elle est le reflet de l'évangile de Luc dans un état antérieur à celui que nous connaissons aujourd'hui.

Cette déduction, déjà formulée dans le précédent livre "le diatessaron - de Tatien à Justin", est illustrée et confortée par l'analyse de l'évangile de l'enfance, c'est-à-dire les deux premiers chapitres de l'Évangiles de Luc. Le texte que Boismard établit à partir de l'harmonie Pepys présente certains caractères judaïsants. Il rétablit certaines structures qui aparaissent toujours dans l'Evangile de Luc, mais dégradées par des ajouts et des modifications. Ce sont bien les traces d'un proto-Luc que Marie-Émile Boismard semble avoir reconstituées.

Le lecteur peut s'étonner de ce que Boismard appelle "l'ordre psychologique" qu'il a adopté dans son exposé, présentant en premier lieu le texte qu'il reconstitue, ensuite les documents sur lesquels il travaille, enfin seulement l'argument détaillé de la reconstruction. Cet "ordre psychologique" pourrait faire croire que l'auteur a mis la charrue avant les boeufs, mais il suffira de relire les derniers chapitre avant les premiers pour retrouver un schéma déductif classique...


En fin de volume, on trouvera deux excursus, l'un sur l'apparition de la virginité mariale dans la tradition lucanienne, l'autre sur la date de naissance de Jésus. La thèse de ce second excursus est résumée sur le site de l'Ecole Biblique et archéologique.

 
     
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