"La vie des Évangiles - Initiation à la critique des textes"

Rares sont les textes de la Bible dont on puisse dire qu’ils ont été écrits d’une seule pièce. Sous la forme qu’on leur connaît aujourd’hui, ils sont pour la plupart le fruit de nombreux travaux de réécriture, plusieurs fois repris et fusionnés.

La Bible a une histoire ; elle a aussi ses historiens, et Boismard est de ceux-là. Ils ont pour métier d’explorer en archéologue le passé des documents, habiles à traquer le moindre détail pour éclairer les différents niveaux de rédaction que le texte a connu avant de nous parvenir. Cette activité s’appelle la critique littéraire. Elle possède ses outils méthodologiques, développés par plus d’un siècle de pratique, et Marie-Emile Boismard avec la collaboration d’Arnaud Lamouille a entrepris en 1980 de les exposer en un livre bref (moins de 100 pages), facile à lire, abondamment illustré d’exemple, et qui porte son titre et son sous-titre avec un égal bonheur.

Avec le soucis didactique qui les caractérise, Boismard et Lamouille proposent une démonstration nettement partagée en deux leçons :

  • La première partie, théorique, présente une liste d'outils d’analyse permettant de détecter et d’interpréter les points de sutures et les cicatrices provoquées par la juxtaposition des différentes traditions. Chacune de ces méthodes est décrite en deux ou trois pages, de manière très synthétique.
  • La seconde partie est une mise en pratique sur une douzaine d’exemples tirés des Evangiles et des Actes des Apôtres, qui permettent d’appliquer les différents outils présentés dans la première partie, de les articuler, et de montrer comment les informations qu’ils fournissent permettent de reconstruire sur chaque texte une séquence de rédaction cohérente.

Ces développements sont de pour la plupart de grands classiques de l’exégèse biblique mais les auteurs n’hésitent pas à présenter leurs vues personnelles, et nous invitent à suivre leur réflexion au delà des simples méthodes d'analyse. De fait, quelques exemples sont le prétexte à aborder des questions plus pointues, tel que le problème synoptique, la théorie des deux sources et la source Q, la critique des formes, ou la différence entre critique textuelle et critique littéraire. Sur ces questions, c’est naturellement le point de vue particulier de Boismard et de l’École Biblique et Archéologique qui est exprimé. Il est alors reconnu comme tel, les auteurs ne présentent pas comme générale une vision qu’ils savent minoritaire.

Au delà des techniques classiques de l’exégèse, les auteurs présentent en conclusion une réflexion sur la validité scientifique de leur activité -leur épistémologie- : est il possible de produire un savoir historique à partir du nouveau testament, alors que près d’un siècle de savants ont usé leur intelligence et leur force sur un corpus de textes somme toute peu volumineux ? Les générations d’exégètes ne sont elles pas condamner à se succéder, les unes après les autres, sans qu’aucune avancée visible ne se fasse jour dans leur travail ? N’est on pas condamné au piétinement, voire au perpétuel balancement entre des tendances contraires ?

Boismard et A. Lamouille reconnaissent que le monde de la recherche exégétique peine à établir des consensus, et que par ailleurs de nombreux points obscurs aujourd’hui peuvent le rester à jamais faute de document pour les élucider. Mais ils invitent aussi à ne pas trop noircir le tableau, montrant comment certains consensus ont fini par s’établir sur de nombreux textes. Bien plus, ils dégagent des directions, des tendances générales dans les progrès qu’a connus la recherche néo-testamentaires au cours du siècle écoulé.

 

 
     
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