Mircea Eliade, à propos du mythisme

Dans Aspect du mythe, Mircea Eliade décrit les mythes des sociétés primitives et archaïques, et en dégage des caractères récurrants. Il en explore surtout la fonction sociale, montrant que le mythe n'est pas un conte ou une légende, mais un récit initiatique et initiateur. Après avoir montré que le christianisme présente beaucoup de traits communs aux religions agraires et et aux mystères païens, mais qu'il s'en détâche dans sa structure par la revendication d'un événement fondateur historique qui définit un sens de l'histoire, Mircea Eliade aborde la question du mythisme :

Ajoutons que la présence massive de symboles et des éléments cultuels solaires ou de structure mystérique, dans le christianisme, a encouragé certains savants à rejeter l'historicité de Jésus. Ils ont renversé la position d'un Bultman, par exemple. Au lieu de postuler au début du christianisme un personnage mystérieux dont on ne peut rien savoir, par suite de la "mythologie" dont il a été surchargé, ces savants ont postulé un "mythe" qui a été imparfaitement "historicisé" par les premières générations de chrétiens. Pour ne citer que les modernes, de Arthur Drews (1909) et Peter Jensen (1906, 1909) à P.L. Couchoud (1924), des savants d'orientation et de compétences différentes ont laborieusement essayé de reconstituer le mythe originel qui aurait donné naissance à la figure du Christ et finalement au christianisme. Ce mythe originel varie d'ailleurs d'un auteur à l'autre. Il y aurait une étude passionnante à consacrer à ces reconstitutions aussi savantes qu'aventureuses. Elles trahissent une certaine nostalgie de l'homme moderne pour le "primordial mystique". (Dans le cas de P.L. Couchoud, cette exaltation de la non-historicité du mythe aux dépens de la pauvreté du concret historique est évidente). Mais aucune de ces hypothèses non historicistes n'a été acceptées par les spécialistes.

Mircea Eliade, aspects du mythe, Gallimard, coll. Idée, 1963

 
 




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