ci-dessous : réponse de Patrick Dupuis aux critiques que nous avons formulées contre le contenu de son site. Notre réponse est ailleurs.


Introduction
Je vous remercie de l'intérêt que vous portez à mon site. En parcourant le vôtre j'ai compris que vous ne preniez pas la thèse mythique très au sérieux. Permettez-moi en guise d'introduction de rappeler ma position à ce sujet.
Lorsque j'ai lu les Evangiles pour la première fois j'ai vraiment été frappé par le caractère irréel et incohérent du récit qui est pourtant présenté comme un ensemble de témoignages sur la vie et les paroles du Christ. J'ai donc décidé de faire une seconde lecture plus critique cette fois en prenant soin de noter et d'annoter chaque passage qui posait problème et en continuant ainsi pour l'ensemble des textes du Nouveau Testament. Sans aller plus loin j'ai fait une première synthèse des éléments troublants.
       -- une collection de récits où se mêlent le merveilleux et le surnaturel, le religieux et l'historique. Les références permanentes à " l'accomplissement des écritures " montrent clairement que la trame de l'histoire fut en grande partie inventée pour servir un dessein théologique pré-établi.
       -- Une lecture rationaliste qui voudrait simplement gommer les éléments surnaturels pour mieux replacer les évènements dans un contexte purement historique est illusoire.
       -- Une lecture mythique permet de rétablir une cohérence globale et d'insuffler une certaine logique à l'ensemble des textes.
       -- L'absence de référence à Jésus de Nazareth et à son ministère dans l'ensemble des Epîtres est tout simplement inconcevable. Seule l'hypothèse du mythe peut expliquer logiquement et simplement un tel silence. Que Paul puisse entreprendre d'évangéliser des populations importantes de " gentils " sans leur parler une seule fois de Jésus et des nombreux miracles accomplis par ce dernier, sans jamais le citer explicitement comme preuve vivante de l'accomplissement des écritures est inimaginable. C'est sans doute là que réside le cœur de l'énigme.
Pour compléter mon enquête historique j'ai bien sûr revisité les preuves extra testamentaires si souvent citées comme démontrant indépendamment des Evangiles l'historicité de Jésus. Et là de nouveau ce fût la surprise.
Seules deux références chez Tacite et Flavius Josèphe méritent vraiment une attention particulière mais toutes deux sont tardives et la seconde de surcroît très douteuse. Si l'on ajoute à tout cela les silences d'autres auteurs de la même période (bien que j'admette que ces silences ne constituent pas individuellement un élément de preuve) il faut bien avouer que tenir pour acquise l'existence historique de Jésus est une conclusion plutôt péremptoire et hasardeuse.
Enfin il faut bien rappeler que l'explication mythique loin d'être absente de la Bible en constitue plutôt la trame générale. Les progrès de la science et plus spécifiquement de l'archéologie ont montré depuis quelques temps déjà que la plupart des personnages emblématiques du livre des livres étaient des mythes. Adam et Eve, Noé, Abraham, Moïse, Josué n'ont tout simplement jamais existé alors que pour les deux derniers par exemple, leur ancrage dans l'histoire en faisait des personnages qui n'avait à priori rien de mythique.C'était oublier la formidable capacité d'invention à des fins théologiques dont ont fait preuve les rédacteurs successifs des textes bibliques. On peut raisonnablement dire aujourd'hui qu'une partie non négligeable de l'Ancien Testament (Le Pentateuque, Les juges et une partie des Rois) est d'origine mythique. Pourquoi donc dans un sens cette tradition aurait elle pris fin avec le Nouveau testament ? En quoi l'invention de Jésus serait elle plus invraisemblable et illogique que celle de Moïse ?
Voici donc résumés brièvement les raisons qui m'ont poussées à défendre la thèse mythique. Non pas dans le but d'apporter une " prétendue preuve " de la non historicité de Jésus mais plutôt pour fournir au non croyant une alternative à l'explication rationaliste habituelle qui est entrée dans les livres d'histoire. Disons pour conclure que la probabilité du mythe doit être quelque peu réévaluée à la lumière des éléments discutés ci dessus.
Je respecte bien sur la position chrétienne traditionnelle qui refusant d'ôter la partie surnaturelle du récit propose une grille de lecture presque cohérente ( à condition de posséder la foi). Pour l'agnostique ou l'athée la thèse du mythe permet de supprimer simplement la plupart des incohérences du texte sans faire appel à trop d'hypothèses supplémentaires comme c'est malheureusement le cas avec les thèses rationalistes classiques. A vouloir à tout pris chercher un personnage réel sous l'échafaudage surnaturel des évangiles a conduit trop souvent un grand nombre d'auteurs à multiplier les hypothèses additionnelles qui ajoutent à la confusion (je préfère pour ma part m'en tenir au principe du rasoird'Okham).
 
 
1) A propos de la nature de Jésus
Dans le Paradigme Chrétien je pose en effet le postulat de la nature divine de Jésus car il me semble que c'est le point de vue essentiel et officiel de la doctrine chrétienne. Les premiers représentants de l'Eglise ont beaucoup débattu de ce problème qui fut à l'origine de nombreuses interprétations ou hétérodoxies (Par exemple la dispute monarchienne). Jésus était-il d'abord un homme avant de devenir un dieu,était-il une divinité distincte de Dieu ou encore était-il de même nature que lui ?
L'Eglise a statué sur ces questions au Concile de Nicée en 325 après J.C. Jésus est l'incarnation du Verbe, de même nature que le Père et son entrée dans l'Histoire doit donc être considérée comme une intervention de Dieu dans le cours des événements humains. Mais ceci n'est pas nouveau puisque c'est la suite logique de l'Ancien Testament qui mêle religion et histoire dans un seul récit cohérent et auto explicatif.
Pour les Chrétiens Jésus représente Dieu qui intervient de nouveau dans l'Histoire des Hommes et c'est dans cet esprit en tous cas que la majorité d'entre eux lit le Nouveau testament.
L'intervention de Dieu dans l'Histoire est bien sûr au cœur des trois grandes religions révélées. Les difficultés sont grandes pour chacune d'elles de parvenir à concilier les points de vue religieux et historiques. Surtout lorsque l'on se doit d'appliquer en Histoire la méthode scientifique d'analyse des faits et donc de pratiquer le doute et la remise en question permanente des hypothèses.Comment concilier cette démarche avec la préservation de l'essentiel d'un dogme ?
Ainsi donc le chrétien qui veut défendre à la fois l'historicité de Jésus et son caractère divin ne peut échapper à cette difficulté et doit en permanence naviguer entre rationnel et irrationnel, entre science et dogme s'il ne veut pas renoncer à sa foi.
 
2) A propos de Jean le Baptiste
Pour expliquer l'attitude énigmatique de Jean le Baptiste qui ayant reconnu Jésus ne le suit pas et ne devient pas un de ses disciples il faudrait donc se résoudre à voir dans le récit du baptême une "construction théologique postérieure" c'est à dire en langage de tous les jours une invention.Nous voici donc au cœur du problème de l'historicité. Comment démêler la partie authentique du récit de la partie inventée ? Si l'on veut préserver la cohérence du texte il va falloir comme ci-dessus faire appel aux constructions théologiques postérieures un très grand nombre de fois et retirer ainsi toute forme de crédibilité à la lecture chrétienne des évangiles.
L'explication est cependant pertinente : Examinons celle-ci en détail.
-- Jean le Baptiste a existé
-- Jean le Baptiste a rencontré Jésus
-- Jean le Baptiste n'a pas baptisé Jésus et ne l'a pas suivi
-- Le récit du baptême de Jésus est une invention postérieure à des fins théologiques
 
Dans le paradigme chrétien, cette explication qui va décevoir bon nombre de croyants pose plus de problèmes qu'elle n'en résout. Privé du baptême de Jésus , le récit original de la rencontre hypothétique entre Jésus et Jean perd en effet tout son intérêt et n'a plus aucun sens. Que représente alors cette rencontre ? Et le rajout postérieur du passage que nous connaissons nous ramène au problème initial.
Pourquoi un théologien aurait-il entrepris de modifier le texte pour le rendre incohérent et énigmatique ?
Dans le paradigme rationaliste en revanche l'explication devient plus plausible : Jean et Jésus se sont rencontrés, il se pourrait même que Jean ait baptisé Jésus et seule l'interprétation de ce baptême pourrait avoir été rajoutée postérieurement. Mais comment un événement initial aussi banal et sans signification particulière aurait-il pu être transmis et préservé jusqu'à la période de la rédaction des évangiles soit au mieux 30 ou 40 ans plus tard?
Dans le paradigme mythique enfin c'est le récit complet de la rencontre qui est ajouté à une époque où seul le souvenir de Jean le Baptiste opérant dans les eaux du Jourdain a été préservé. Le texte final reste globalement cohérent et conforme au souvenir que l'on pouvait avoir de Jean. Il faut souligner que ce dernier point milite en faveur de l'existence de Jean.Le problème de l'historicité de Jésus n'est pas du tout de même nature que celle de Jean pour plusieurs raisons.La plus importante me semble être que Jean est dépeint avant tout comme un homme ordinaire : Il n'accomplit aucun prodige et ne possède aucun trait particulier des personnages légendaires et mythiques à l'opposé donc de Jésus qui baigne lui en permanence dans le surnaturel.
L'exigence en matières de preuves est donc sans commune mesure. Pour illustrer ce point disons par exemple que si un ami vous téléphone pour vous dire qu'il a aperçu un âne dans le pré à côté de chez lui vous le croirez sans trop de difficulté mais si cet ami vous confie qu'il a aperçu une licorne dans son pré alors vous déciderez sans doute de venir vérifier par vous-même ses allégations et vous ne vous contenterez pas de son témoignage..
 
Conclusion :
Je voudrais essayer de condenser brièvement les points majeurs de la thèse mythique qui méritent d'être débattus:
-- L'absence de référence à Jésus de Nazareth et à son ministère dans les premiers textes chrétiens qui sont datés de manière fiable : Les Epîtres Pauliniennes et les documents des Pères Apostoliques de la fin du 1er siècle.
-- La quasi-absence de références chez les historiens de la période en question compte tenu de la popularité prétendue de Jésus.
-- Le caractère surnaturel permanent du texte des évangiles (abondance de miracles et de guérisons incroyables de phénomènes prodigieux, d'évènements improbables…) et la référence incessante à "l'accomplissement des écritures" signent sans ambiguïté l'invention permanente de plusieurs auteurs successifs et pose de ce fait la question de la pertinence du témoignage se rapportant à un prétendu personnage historique.
Compte tenu de ces arguments je dirais simplement que tenir l'existence de Jésus pour probable est une opinion que je respecte et qui me semble scientifiquement plausible. Tenir celle-ci pour certaine et traiter avec dérision l'alternative mythique me semble être une attitude plus proche du dogme que de la science.
 
 




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