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Patick Dupuis a régi à mes critiques de son site
et m'a envoyé un mail. À mon tour je lui réponds.
Réponse à Patrick Dupuis
Ma réponse à votre réponse risque de vous
décevoir, autant que la vôtre m'a déçu. Il est d'usage,
lorsque l'on répond à un contradicteur, de faire place
à ses idées en le citant. C'est ce que j'ai fait dans
ma critique de votre site. Nulle part dans votre réponse vous
n'avez pris la peine de me citer.
Conséquence de cette omission : votre réponse
ne répond pas à mes critiques. Permettez-moi de vous
les rappeler rapidement :
- votre méthode basée
sur les trois paradigmes est abusive et confuse
- abusive car elle exclut une
vision rationaliste chrétienne, qui considère Jésus
à la fois comme homme et comme dieu, ce qui lui autorise de
séparer le Jésus sujet d'histoire de la révélation
divine.
- confuse car elle introduit la religion dans un problème
purement historique.
- Votre bibliographie est fantomatique, les ouvrages cités
peu pertinents, et le contenu que vous leur prêtez est
fantaisiste.
- L'étude d'un cas
particulier, celui de Jean le Baptiste, illustre le biais
fondamental de votre méthode : vous découvrez une
incohérence dans les évangiles, qui selon vous
contredit la vision rationaliste, et vous décrétez
sans démonstration que le "paradigme mythiste"
résout la difficulté. Sur le cas de Jean le Baptiste,
j'ai montré :
- que les incohérences se
comprennent parfaitement dans une vision rationaliste, si on admet
que le récit est un mélange de faits réels et
de constructions théologiques.
- que si on adopte le point de vue mythiste d'un récit
100% inventé, on ne comprend pas pourquoi les gens qui ont
inventé ce récit y ont mis de telles incohérences.
- J'ai mis en cause, enfin, votre objectif, qui consiste à
mettre en doute à toute force l'historicité de Jésus
et qui semble dicté non par un souci historique, mais par une
nécessité idéologique.
Examinons maintenant, dans votre réponse, ce qui concerne
ces quatre points :
1- Concernant ma critique des trois paradigmes
J'observe pour commencer que votre réponse n'est pas
centrée sur votre méthode des trois paradigmes, mais
sur la question de la nature de Jésus :
1) A propos de la nature de Jésus
Dans le Paradigme Chrétien je pose en effet le
postulat de la nature divine de Jésus car il me semble que
c'est le point de vue essentiel et officiel de la doctrine
chrétienne. Les premiers représentants de l'Eglise ont
beaucoup débattu de ce problème qui fut à
l'origine de nombreuses interprétations ou hétérodoxies
(Par exemple la dispute monarchienne). Jésus était-il
d'abord un homme avant de devenir un dieu,était-il une
divinité distincte de Dieu ou encore était-il de même
nature que lui ?[...]
Pour les Chrétiens Jésus représente
Dieu qui intervient de nouveau dans l'Histoire des Hommes et c'est
dans cet esprit en tous cas que la majorité d'entre eux lit le
Nouveau testament.
L'intervention de Dieu dans l'Histoire est bien sûr
au c?ur des trois grandes religions révélées.
Les difficultés sont grandes pour chacune d'elles de parvenir
à concilier les points de vue religieux et historiques.
De nombreux historiens chrétiens ont été
capables de concilier les points de vue religieux et historiques. De
nombreux historiens chrétiens ont été capables
de produire une histoire chrétienne rationaliste, sans rien
perdre de leur foi. L'historien chrétien qui veut défendre
l'historicité de Jésus va naturellement utiliser des
arguments d'historien, reposant sur la raison. Il vous dira :
l'historicité est une réalité humaine et non pas
divine, en conséquence on doit la défendre avec des
arguments humains. L'historien chrétien est capable, tout
chrétien qu'il soit, de ne pas mélanger la religion
avec les problèmes historiques. Et si lui en est capable,
pourquoi ne le seriez-vous pas ?
L'historien -chrétien ou athée- vous demandera donc
de laisser la religion au vestiaire, et de ne pas parler d'autre
chose que d'histoire. La question de savoir si Jésus est divin
ne doit donc pas être pris en compte dans l'examen de
l'historicité.
Tout ce que vous gagnerez à réintroduire la question
religieuse sera, pour votre lecteur, l'impression dangereuse que vous
tentez de noyer le poisson en mélangeant histoire et religion.
C'était le premier point de ma critique : non seulement
vous n'y répondez pas, mais vous persistez dans la même
voie.
2- À propos de l'indigence de votre bibliographie
Vous ne répondez pas, mais il n'y avait pas grand chose à
répondre. Je vois que vous avez corrigé votre site et
Pline n'est plus gouverneur de Béthanie, mais Ernest Renan est
toujours un représentant du "paradigme chrétien",
et les références à des historiens du vingtième
siècle font toujours défaut.
3- Sur Jean le Baptiste
Vous avez montré sur votre site que la situation de Jean le
Baptiste est ambiguë : il baptise Jésus, comme s'il
avait autorité sur Jésus, puis il reconnaît Jésus
comme le messie, mais il ne se fait pas disciple de Jésus, et
conserve ses disciples de son côté. Vous avez raison d'y
voir comme une incohérence.
Le problème survient lorsque vous affirmez, sans démonstration,
que l'incohérence se trouve résolue par le système mythiste.
Reprenons votre réponse :
Dans le paradigme rationaliste [...] Jean et Jésus
se sont rencontrés, il se pourrait même que Jean ait
baptisé Jésus et seule l'interprétation de ce
baptême pourrait avoir été rajoutée
postérieurement. Mais comment un événement
initial aussi banal et sans signification particulière
aurait-il pu être transmis et préservé jusqu'à
la période de la rédaction des évangiles soit au
mieux 30 ou 40 ans plus tard?
Cet événement à l'origine banal ne fut pas
oublié parce que dans les premières communautés
chrétiennes, le souvenir de l'épisode était
conservé par le rite du baptême. A chaque fois qu'on
baptisait quelqu'un, on était bien obligé de se
souvenir de l'origine du rite, et en particulier du fait que Jésus
lui-même avait été baptisé. Au fur et à
mesure que la divinité de Jésus a été
affirmée, la subordination de Jésus à Jean a été
atténuée, mais elle ne pouvait pas être
totalement effacée, car tout le monde savait bien, lors de la
rédaction des évangiles, que Jean le Baptiste n'avait
jamais été le disciple de Jésus. Il en est
résulté l'incohérence que vous soulevez, mais
qui est parfaitement explicable dans le paradigme rationaliste.
Dans le paradigme mythique enfin c'est le récit
complet de la rencontre qui est ajouté à une époque
où seul le souvenir de Jean le Baptiste opérant dans
les eaux du Jourdain a été préservé.
Pour quelle raison ? Pour faire couleur locale ? Si seul
restait un vague souvenir de Jean le Baptiste, pourquoi les
inventeurs du mythe n'ont-ils pas fait de Jean le Baptiste un vrai
disciple de Jésus ? Pourquoi n'ont ils pas forgé
un mythe plus cohérent ?
Pour reprendre vos mots, pourquoi les inventeurs du mythe ont-ils
donné à Jean un rôle aussi peu conforme à
la dignité de Jésus ? Cette question, je l'avais
déjà explicitement posé. J'écrivais :
"Pourquoi donc, selon le paradigme mythiste, les auteurs du
mythe de Jésus ont-ils inventé un Jean le Baptiste qui
salue la préséance de Jésus, mais qui ne le suit
pas comme disciple ? "
Vous n'y avez toujours pas répondu. Votre affirmation
suivante :
Le texte final reste globalement cohérent et
conforme au souvenir que l'on pouvait avoir de Jean.
est donc totalement sans fondement : vous venez de montrer
que le texte final est globalement incohérent, et vous n'avez
pas montré en quoi le paradigme mythiste résout cette
incohérence.
4- Concernant ma critique de la "nécessité"
à nier l'existence de Jésus
Vous me répondez :
Le problème de l'historicité de Jésus
n'est pas du tout de même nature que celle de Jean pour
plusieurs raisons.La plus importante me semble être que Jean
est dépeint avant tout comme un homme ordinaire : Il
n'accomplit aucun prodige et ne possède aucun trait
particulier des personnages légendaires et mythiques à
l'opposé donc de Jésus qui baigne lui en permanence
dans le surnaturel.
Mais Jésus ne baigne pas en permanence dans le surnaturel !
En dehors de la marche sur les eaux et de la multiplication des
pains, la plupart de ses miracles sont des guérisons : on
est bien loin de la mythologie d'Hercule, ou même du voyage
fabuleux d'Ulysse. Si vous rajoutez à cela les longues parties
de disputes théologiques avec les pharisiens, et les discours,
vous trouverez que Jésus ne ressemble ni à Hercule, ni
à Osiris, mais plutôt à Empédocle ou
Pythagore. Avez-vous entendu parler de Pythagore et d'Empédocle ?
Pensez-vous qu'ils soient des personnages de fiction ?
Si vous examinez les témoignages sur l'historicité
de ces deux sages, vous verrez qu'elle repose sur des preuves moins
solides que celle de Jésus, et que ces preuves, comme pour
Jésus, sont noyées dans un magma de légendes, de
miracles et d'incohérences.
Par ailleurs, le problème de la nécessité de
la mise en doute, dans votre texte d'origine, était rattaché
non pas au caractère "humain" de Jean le Baptiste
contre celui miraculeux de Jésus, mais au caractère
secondaire du personnage de Jean. Par les mots mêmes que vous
avez employé, vous faisiez naître le soupçon sur
l'objectivité de votre démarche historique.
Conclusion
Ces soupçons sont au demeurant de peu d'importance quant au
fond du problème : votre réponse n'en est pas
vraiment une. En négligeant de citer mes arguments
pour mieux
y répondre, vous répondez largement en dehors du sujet,
et vous vous bornez la plupart du temps à répéter
ce que vous aviez déjà dit sur votre site.
Je vous rappelle que le propos constant de mon travail n'est pas
de démontrer l'existence de Jésus, mais de montrer que
les multiples variantes de la thèse mythiste que l'on trouve
sur internet sont produites par des historiens amateurs qui n'ont
qu'une faible idée de ce qu'est une vraie recherche en
histoire, et dont les raisonnements sont peu fiables.
Cette démonstration reste valable pour vous comme pour les
autres auteurs que j'ai abordés jusqu'ici.
Cordialement,
Archeboc
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