Conclusion
Au delà des inexactitudes, des
omissions flagrantes et des mensonges (la datation des évangiles,
Tacite, le nazaréen...) la démonstration du CZ frappe
par son absence totale de fil directeur.
Que veut prouver exactement le CZ ? Que
l'historicité de Jésus se heurte à de fortes
impossibilités matérielles ? Nous sommes toujours bien
en peine de dire lesquelles. Disposons-nous seulement de présomptions
directes que Jésus n'a pas existé ? connaissons-nous par
exemple un auteur ancien qui affirme son inexistence ? Il ne semble
pas.
Pouvons-nous alors nous appuyer sur des
présomptions indirectes, des considérations de
plausibilité qui permettraient de penser que l'hypothèse
mythiste est plus à même de s'accorder avec les
témoignages historiques ? Si le mythisme était une
question historique sérieuse, c'est ainsi qu'il faudrait
procéder : après avoir présenté les deux
thèses en présence, nous devrions évaluer celle
qui présente la meilleure cohérence avec les faits
établis.
Mais nulle part le CZ ne nous donne le
contenu de cette thèse mythiste. Nulle part il ne nous
explique comment le Dieu des juifs, un dieu unique, éternel et
sans histoire, a pu engendrer au sein du judaïsme une
sous-divinité de type païenne, ni comment la légende
de cette sous-divinité s'est inscrite au Ier siècle
dans l'histoire toute récente de l'empire romain. Nous sommes
bien en peine, dans ces conditions, de juger de la cohérence
de la thèse mythiste défendue par le CZ, et d'évaluer
si celle-ci est meilleure que la thèse standard : le CZ a
tout bonnement omis de nous présenter le mythisme sous la
forme d'une chronologie crédible.
Il en résulte un discours
totalement fragmenté, qui se contente d'empiler des objections
contre la thèse standard. Nous avons montré tout au
long de notre analyse que ces objections sont biaisées, quand
elles ne sont pas simplement artificiellement construites. Dans le
cas même où ces objections auraient eu quelque portée
contre l'historicité de Jésus, elles n'auraient pu
servir telles quelles d'argument pour la thèse mythiste :
il aurait fallu encore montrer que face à des objections
construites sur le même modèle, la thèse mythiste
se défend mieux.
Faute d'avoir brossé le portrait
d'ensemble de sa théorie, le CZ est bien empêché
de montrer que les objections contre la thèse standard se
transforment en atout pour la thèse mythiste. Le mythisme ici
n'est pas une thèse, c'est à dire une représentation
de la réalité que la critique pourrait analyser et
discuter. Le mythisme du CZ n'est pas une thèse, mais une
stratégie rhétorique, sans aucune portée
opératoire pour le progrès de la connaissance
historique.
Ramasser les fragments laissés
derrière lui par le CZ, reconstituer le puzzle pour en saisir
la cohérence d'ensemble, et mener le débat sur ces
bases, c'est ce qu'avec nos modestes moyens nous avons essayé
tout au long de cet article. On pourrait naturellement aller plus
loin pour tenter de reconstituer le scénario général.
Il est probable que ce scénario ressemblerait de très
près à celui de la tradition mythiste française
(Couchoud et Alfaric), dont le CZ se recommande et où il puise
nombre de ses idées. Les scénario inventés par
les mythistes français ont reçu en leur temps leur
réfutation, qui n'a pas laissé grand chose intact.
Il est probable surtout que si le CZ a
évité de donner les vues de ces auteurs dans leur
développement complet, c'est qu'il est conscient que ces
constructions ne résistent pas à l'épreuve des
faits. Les présenter en pièce détachée
rend la critique plus difficile, mais ne donne à ces théories
ni plus de poids, ni meilleure cohérence.
Nous l'avons dit en introduction :
l'Histoire ne connaît pas de dogme. Aucune certitude d'ordre
historique n'est à l'abri d'une révision. Encore
celle-ci doit-elle répondre à quelques critères
de scientificité, que le CZ semble ignorer. Si l'existence de
Jésus est tenue pour acquise par les chercheurs d'aujourd'hui,
rien n'interdit qu'elle soit un jour battue en brèche par une
nouvelle génération d'historiens. Mais pour le moment, les
représentants du CZ n'en font pas partie.
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