4- La passion du Christ

La quatrième et dernière partie de l'article du CZ est consacrée à la passion de Jésus, c'est à dire la narration des dernières heures de sa vie, jusqu'à son exécution et sa mise au tombeau.

Nous avons examiné déjà les trois parties précédentes. Nous y avons trouvé une telle constance dans la mauvaise foi, un tel mépris des méthodes usuellement utilisées en histoire, une telle désinvolture vis-à-vis des faits, qu'il nous vient soudain une lassitude extrême à l'idée de devoir décortiquer une fois de plus les mêmes stratégies de dissimulation et d'évitement.

Nous invitons donc le lecteur à lire directement la conclusion.

À celui qui souhaite examiner les choses en profondeur, et à celui qui penserait que le dernier chapitre peut sauver tous les autres, nous proposons quelques exemples de bourdes, anachronismes et autres micmac tirés de ce dernier chapitre.

Les mystères

Le CZ écrit :

Comme leur étymologie l'indique, ces " mystères " étaient des cultes secrets, dans lesquels les initiés, ou mystes, s'assuraient le salut éternel par leur participation à la passion d'une divinité.

"Comme leur étymologie l'indique" : le CZ parle ici comme si les mystères grecques tenait leur nom du mystère dans son sens français actuel. Alors que c'est dans l'autre sens que c'est fait le transfert : un mystère, à l'origine, s'est une culte religieux reposant sur l'initiation d'un néophyte. Comme les mystères, pour la plupart, étaient secrets, le mot "mystère" a fini en latin par recouvrir tout type de secret, donnant en français son sens actuel.

Il est exact que le mot "mystère" lui-même porte une idée de dissimulation, puisqu'il est bâti sur le verbe grec muein, qui signifie "se fermer". Est-ce à cette étymologie que se réfère le CZ ? Ou bien a-t-il inversé, comme nous le suspectons, la dépendance entre le mystère grec et le mot français ?

Nous le suspectons car nous le voyons écrire un peu plus loin :

La parenté du christianisme naissant avec les mystères est à demi-avouée par l'apôtre Paul, premier diffuseur de la doctrine, évoquant la " révélation d'un mystère enveloppé d'un silence aux siècles éternels, aujourd'hui manifesté. "

Lorsque Paul parle de mystère, il sait ce qu'il fait et parler à son sujet de demi-aveu est un bel anachronisme. Tout le monde grec à son époque savait que les mystères était des cérémonies secrètes ou un secret salvifique était enseigné aux initiés. Pour un grec du premier siècle, Paul écrit clairement les choses, et les lecteurs de son temps l'ont clairement compris : le rite chrétien est un mystère, au sens religieux du terme, avec un baptême d'initiation et un repas communautaire.

Mais tout ceci, encore une fois, c'est l'ouvrage de Paul. Cela ne prouve absolument pas que Paul ne s'appuie pas sur une histoire vraie, et de fait, plusieurs fois dans ses lettres, Paul parle du passage de Jésus sur terre comme d'un événement historique. Mais de cela, le CZ n'aura cure.

Les prophéties de la crucifixion

Au sujet des détails de la crucifixion qui avaient tous été prophétisés (les verges, le crachat, les larrons, les pieds et les mains percées, le vinaigre et le fiel, etc.) le CZ écrit :

Toutes ces prophéties étaient consignées dans des recueils qui circulaient dans le monde juif de Palestine, auxquels se référaient ceux d'entre les croyants qui attendaient l'arrivée prochaine de leur libérateur.

L'existence de ces recueils est douteuse. Couchoud, initiateur du mythisme français, en parle. Il ne donne aucune référence. Sont-ils sortis de son imagination ? Ou bien le CZ pourra-t-il combler les oublis de Couchoud et nous donner la preuve de l'existence de ces recueils de prophétie ?

Les origines des esséniens

Le CZ nous indique que le Maître de Justice, le créateur de la secte des esséniens, est mort en -65. Ce n'est là qu'une des dates proposées par les historiens. Marie-Françoise Baslez ("Bible et Histoire") mentionne cette hypothèse, mais considère le siècle précédent comme plus probable. Il importe sans doute à PEB de rapprocher au maximum le Maître de Justice de l'origine des chrétiens. La datation haute présente en effet des inconvénients pour la thèse mythiste, car les premières références historiques à la secte essénienne datent du premier siècle après Jésus-Christ. Cela signifie que pendant peut-être deux siècles, les esséniens ont vécu sans que personne ne se préoccupe de les citer. Il fallait simplement que la secte grossisse suffisamment avant que l'on s'intéresse à elle.

Un lecteur attentif pourrait se dire que se qui s'est passé avec les esséniens est aussi ce qui est arrivé à la secte chrétienne : l'absence de référence aux chrétiens et à Jésus durant le Ier siècle d'existence est tout à fait normal.

Nous n'avons naturellement aucune preuve que le CZ a choisi délibérément la datation basse parce que c'était la moins dérangeante. Mais nous trouvons curieux qu'à chaque fois qu'une date ou un fait historique est controversée, le CZ tranche péremptoirement dans la direction qui se révèle à chaque fois la plus confortable (ou la moins inconfortable) pour le mythisme, y compris lorsque cette direction correspond à une opinion vieillie et aujourd'hui minoritaire.

La croix cosmique de Platon

- La croix? On la trouve dans de nombreuses religions antérieures au christianisme, sans parler de la croix cosmique de Platon, formée par le croisement des deux axes du monde, dont le gnosticisme reprend les éléments pour y placer le Logos ;

Toutes les formes géométriques simples avaient déjà été utilisées avant Jésus dans un culte ou dans un autre. La plupart des supplices sont aussi intégrées dans des légendes et des mythes. Quelque soit la façon dont Jésus aurait été trucidé, et quelque soit le symbole que les chrétiens se seraient choisis, on aurait pu trouver une religion, un culte ou une philosophie antérieure qui l'aurait utilisé. Cela ne suffit pas à prouver une dépendance entre les deux cultes. En particulier, le passage de la croix cosmique, de Platon au christianisme ancien me semble douteux : entre Platon et les premiers chrétiens, il y a quatre siècles. Si PEB veut faire dépendre la croix chrétienne de la croix cosmique de Platon, il devra apporter des preuves qui établissent la filiation, en montrant par exemple que cette croix cosmique avait une signification religieuse et sacrificielle à l'époque de Jésus.

Il faudra montrer de plus que cette croix platonicienne n'était plus conçu au temps de Jésus comme la croix des quatre points cardinaux qu'elle semble être chez Platon et dans de nombreuses civilisations (y compris les maya). La croix de Jésus est une croix verticale, " dressée sur le monde ". En est-il de même de la croix de Platon, où avons nous affaire ici à un rapprochement abusif entre deux symboles totalement déconnectés ?

Il est par ailleurs évident que si le christianisme de l'antiquité tardive s'est inspiré du néolatonisme, on ne voit pas trace d'une telle tendance dans les documents chrétiens du IIe et du IIIe siècle. Il faudra donc protester contre l'anachronisme si les mythistes essayent de prouver le rapport de filiation entre croix cosmique et croix de Jésus à partir des connexions tardives entre néoplatonisme et christianisme.

De même, si le CZ établit ses preuves sur des textes gnostiques, il devra prouver au préalable que le christianisme est issu de la gnose.

Il faudra surtout qu'il établisse la cohérence interne de l'ensemble de ces hypothèses : la filiation gnostique affirmée ici ne semble pas compatible avec la filiation essénienne qui nous a été présentée plus haut. La façon dont ce syncrétisme se serait effectué mériterait quelques précisions, quelques arguments.

Attis pendu à un pin

Chaque année Tammouz (Adonis), Osiris, Attis mouraient (Attis, pendu à un pin) et ressuscitaient après trois jours.

Au passage, le lecteur qui trouvera dans quelle légende Attis a été pendu à un pin aura droit à toute ma reconnaissance. Pour le moment, je ne l'ai trouvé nulle part. Je soupçonne fortement les mythistes d'avoir déformé les textes pour trouver une analogie entre Jésus "pendu sur le bois de la croix" et Attis "pendu à un pin". Je ne pense pas qu'il y ait malhonnêteté de la part du CZ. Plus probablement s'est il inspiré de Guy Fau, qui s'inspire lui même que Las Vergnas, qui a tété le bon jus du docteur Couchoud. Mais aller chercher dans cette dynastie à quel niveau s'est fait l'invention est au dessus de mes forces. À noter aussi que Couchoud a pu trouver son renseignement sur Attis dans le "Rameau d'or" de Sir James Frazer.

Le "Seigneur" et le "Sauveur"

La plupart de ces dieux étaient salués du titre de " Seigneur " (ce qui se traduit en grec par Kyrios) titre que la communauté chrétienne d'Antioche et plus tard l'Église de Rome accorderont à Jésus. On leur attribuait la qualité de " Sauveur " (Sôter en grec), comme on le fera également pour le Christ.

Les titres de "Kyrios" et de "Soter" était appliqués aussi aux souverains grecs d'orient : des hommes de chairs et d'os que l'on divinisait. On comprend que les mythistes hésitent à en parler, le lecteur pourrait se dire que ce qui s'est passé avec Jésus (un homme à qui on accorde la divinité) était un phénomène courant à l'époque dans les milieux païens. Le lecteur en comparaison risque de s'apercevoir que le phénomène inverse (un Dieu à qui on forge une identité historique) n'est pas attesté à cette époque.

Le célibat

Le plus ressemblant de ces dieux avec Jésus est sans conteste Mithra. Comme Jésus, il est considéré comme " Fils de la droite du Père brillant ". Comme Jésus, il a cette caractéristique rare d'être célibataire. Lui aussi meurt puis ressuscite. Lui aussi revient à la fin des temps pour juger " les vivants et les morts ", lesquels ressusciteront à leur tour dans la chair. Son culte comprend un repas commémoratif et un baptême d'initiation.

Jean-Baptiste était célibataire, Diogène le cynique était célibataire, de même que Pythagore, Empédocle... Le célibat est rare chez les dieux, il est plus courant chez les sages et les maîtres de savoir. Une fois encore, un rapprochement en sens unique, qui manque la signification réelle du détail : le célibat de Jésus s'inscrit dans la tradition des maîtres spirituels de l'antiquité.

 

Nous arrêtons là ce jeu de massacre, et nous vous invitons à lire la conclusion de cette étude.

 
 




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