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Le gros mensonge de la Bible
Le gros mensonge de la bible est
un site web signé chret06, qui propose essentiellement
une chronologie des origines chrétienne selon une perspective
mythiste.
Une chronologie, par son principe même,
oblige son auteur à organiser sa pensée sur un shéma
réellement historique. Élaborer une chronologie conduit
à mettre en forme une théorie en affirmant certains
faits positifs que la critique peut alors vérifier. L'exposé
des événements dans l'ordre selon lequel ils sont
supposés avoir eu lieu (l'ordre chronologique) offre une
vision panoramique de la thèse que l'on défend. Le
lecteur peut ainsi contrôler la cohérence interne de la
théorie, et vérifier qu'elle s'insère
convenablement dans la trame historique globale. D'apparence scolaire
et futile, l'exercice de la chronologie est fatal aux esprits peu
clairs et aux thèses boiteuses.
Les chronologies mythistes étant
rares, il est donc intéressant de voir un mythiste se plier à
l'exercice. Fait rare aussi, l'auteur de cette chronologie donne
souvent les sources de ses renseignements.
Malheureusement, cette chronologie n'en
est pas vraiment une. Certes, les faits sont présentés
en relation avec une date, et les dates sont rangées dans
l'ordre croissant, comme dans toute bonne chronologie digne de ce
nom. Mais les dates proposées ne peuvent pas servir à
grand chose, soit parce qu'elles sont simplement fausses, soit encore
parce que les événements auxquels elles sont rattachées
sont grossis au delà de leur importance réelle, et
prennent une valeur qu'ils n'ont pas. En réalité, cette
chronologie est une compilation d'idées disparates, puisées
chez divers auteurs mythistes.
Le reste du site est un recyclage de
cette chronologie sous des emballages différents :
devinettes, pseudo-dialogue avec un "chrétien",
notes, réflexions. Les erreurs que l'on trouve dans la
chronologie se retrouvent, tale quale, dans les rubriques
dérivées.
Au chapitre des dates fausses, nous
citerons le Ier siècle, où d'après chret06 les
sectes messianistes pullulaient : il en donne une liste
interminable, où pullulent surtout les noms de secte
postérieures au IIe siècle. L'anachronisme est d'autant
plus flagrant que plusieurs de ces noms de sectes sont dérivés
du nom de leur fondateur (novatiens, marcionistes, ariens, etc.) dont
il n'est pas difficile de vérifier qu'ils sont bien
postérieurs au Ier siècle.
Cette excentricité à elle
seule suffit à indiquer à quelle genre de chronologie
nous avons affaire.
Au chapitre des exagérations,
mentionnons la notice sur les papyrus Chester Beatty :
III siècle : Découverte du papyrus Chester
Beatty qui contiennent les quatre évangiles et les actes.
Plus aucun théologien expert du Nouveau Testament
ne défend aujourd'hui l'idée originelle stipulant que
les auteurs des évangiles seraient des apôtres de Jésus
(Matthieu, Jean... qui, s'ils ont existé, étaient morts
depuis longtemps).
Les véritables auteurs appartenaient à des
communautés qui ont emprunté les noms ci-dessus pour
légitimer leur récit. Les écrits de Jean et Paul
sont manifestement inspirés des manuscrits Esséniens.
Nous ne nous appesantirons ni sur les
fautes de français ni sur les maladresses de formulation
(précisons néanmoins pour le lecteur néophyte
que le papyrus Chester Beatty n'a pas été découvert
au IIIe siècle, mais date du IIIe siècle. Plus
exactement : parmi les nombreux papyrus de la collection Chester
Beatty, il y en a trois qui contiennent des livres du Nouveau
Testament, tous trois datant du IIIe siècle. L'un des trois
contient les quatre évangiles et les Actes).
Il nous paraît plus important de
nous pencher sur la forme que l'auteur donne à sa notice. Il
ne prétend pas que les évangiles ont été
écrits au IIIe siècle. Mais le seul fait de mettre sous
cette date du IIIe siècle les précisions concernant la
rédaction des évangiles permet de fausser la
perspective en donnant l'impression que la rédaction des
évangiles peut être placée au IIIe siècle.
Nous sommes ici en présence
d'une caricature de chronologie, car non seulement la rédaction
des évangiles ne peut être placée au IIIe siècle,
mais les papyrus Chester Beatty eux-mêmes ne sont pas les
premiers témoins des évangiles : nous possédons
à la fois des témoins archéologiques (des
papyrus ou des fragments de papyrus) et des témoins
scripturaires (des citations des évangiles) antérieurs
aux papyrus Chester Beatty.
Une vraie chronologie peut mélanger
dans une même énumération la date des témoins
archéologiques et les événements décrits
par les historiens, à condition de placer chacun à sa
date véritable. Ici, absolument aucun détail du texte
n'est rapporté à un événement du IIIe
siècle, en dehors du papyrus. La rédaction des
évangiles est ainsi artificiellement repoussé dans le
temps.
Quant aux sources académiques que l'auteur allègue
à l'appui de sa datation du IIIe siècle -"Le
Nouveau testament", "Encyclopædia
Universalis", "L'Eglise des premiers temps" (J.
Daniélou)- nous nageons en pleine fantaisie.
Au chapitre des idées reprises
chez d'autres auteurs, nous signalons l'extrait suivant, à la
date de 144 :
Un riche armateur grec du nom de Marcion apporte à
Rome les épîtres attribuées à Paul. Cette
date est connue avec certitude dans l'histoire du christianisme.
Si on décide de lire le Nouveau Testament avec un
oeil d'historien, lorsque sont enlevés les emprunts (Dieux
égyptiens, mésopotamiens,Mithra, Platon, Esséniens,
légendes populaires...) et les invraisemblances, il semble ne
rester... rien !
On le comparera aux dernières
phrases du texte du CZ :
Ce qui est profondément gênant, toutefois,
si l'on décide de lire le Nouveau Testament avec un oeil
d'historien, c'est que lorsque sont enlevés les emprunts et
les invraisemblances, il semble ne rester - rien.
Tout le débat repose sur l'acception et l'étendue
du verbe " sembler ".
Et on se reportera à notre
critique des vues du CZ sur Marcion et la
datation des évangiles.
Plutôt qu'un travail de synthèse
original, la chronologie de chret06 semble décidément
un patchwork mal cousu.
Au chapitre des contradictions
internes, sur la page de "Notes", chret06 propose
une construction de Jésus suivant le schéma suivant :
1 - Le Christ céleste des épîtres
dites Pauliennes (attribuées à Paul).
2 - Le Jésus
fantôme ou "Angelos Christos" (corps éthéré)
des chrétiens gnostiques ou docètes: Marcionites,
Basilidiens, Valentiniens etc.
3 - Le Jésus "
terrestre" ou " historique" des évangiles
canoniques et apocryphes.
Mais quelques paragraphes plus loin, il
cite (sans manifester de réserve) un livre publié par
des spécialistes qui plaide pour un schéma exactement
inverse :
Dans ce livre, ces auteurs nous révèlent
que dans le nouveau Testament, les références données
à Jésus comme étant le fils de Dieu sont
essentiellement d'ordre poétique et ne doivent en aucun cas
être prises à la lettre. Ils expliquent que Jésus
n'a jamais prétendu être de nature Divine. Mais en fait,
ce fut au cours des premiers temps de l'ère Chrétienne
que cette nature Divine fut promulguée, sous l'influence
d'idées païennes.
Chret06 est il conscient de la
contradiction qu'il a porté au coeur de son système ?
La cohérence n'est pas sans doute pas sa principale
préoccupation.
Au chapitre de la traduction mal
maîtrisée, citons la référence à
"Lucian de Samosata, romain satirique +200". On
reconstitue sans peine l'original anglais (Lucian of Samosata,
Roman satirist). Chret06 ne pouvait pas savoir qu'en français
on dirait plutôt : "Lucien de Samosate, satiriste
latin", mais il aurait pu contrôler dans une encyclopédie.
Il aurait alors découvert que Lucien est un satiriste grec,
dont les dates usuellement retenues sont 125-180.
Voilà ce que c'est que de copier
sur internet
sans vérifier.
Au chapitre "je parle de ce que je
ne connais pas", à la date de 69-70 :
Ecriture du livre de l'Apocalypse Jésus de
Nazareth n'est fait mention nulle part dans ce livre écrit 40
ans après sa "mort" par ses serviteurs. Source : "Le
Nouveau testament"
L'auteur de cette notice n'a pas pris
la peine de lire l'Apocalypse.
S'il n'avait pas envie d'acheter un
livre chrétien (pouark) il pouvait tout simplement consulter
les bibles en ligne, qui permettent de rechercher l'occurrence d'un
mot clef dans un texte. Par exemple, en cherchant sur le site de
l'Université Biola, il aurait trouvé, en dehors de
l'introduction et de la conclusion (qui ont pu être ajoutées
après la rédaction originale), les références
suivantes : 12:17, 14:12, 17:6, 19:10 et 20:4, soit cinq
mentions à Jésus dans un livre qui n'est sensé
en contenir aucune.
Le comble est atteint lorsque notre
auteur cite le Nouveau Testament à l'appui de ces allégations.
Au chapitre du mépris, dans la
section "Humour", une blague dont le seul ressort comique
repose sur l'affectation de Mahomet, au paradis, aux tâches
subalternes. Le politiquement incorrect, ça peut être
très drôle, mais quand ça ne l'est pas, c'est
piteux.
Conclusion
Le site est symptomatique des dangers
d'internet : sous une apparence de vulgarisation scientifique
(la chronologie, avec renvois à des ouvrages de référence)
le site accumule les contre-vérités. Nous en avons
donné ici une série d'exemples, mais nous n'avons pas
épuisé, loin de là, toutes les bêtises. En
réalité, chaque article, chaque paragraphe, pourrait
appeler une critique, soit pour une imprécision ou une erreur
bénigne, soit -trop souvent- pour une énormité à
peine croyable.
Que le lecteur se méfie !
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